Bains flottants : théorie scientifique des bienfaits de la flotte

Il s’agit du troisième et dernier des articles écrits* par Patrice van Eersel dans l’Actuel Sommaire 57/58 Juillet/Août 1984. Dans cette capsule, Patrice nous présente une théorie basée sur l’évidence scientifique qui explique les bienfaits d’une flotte. Même si sa théorie est intéressante, il n’y a pas eu de théorie concluante qui ait été acceptée par la communauté scientifique et qui expliquerait les résultats étonnants d’une flotte. J’aimerais également mettre en garde le lecteur et la lectrice : puisque cet article a été écrit il y a plus de vingt ans, une partie de la recherche et ses résultats ne sont pas d’actualité. Cette règle s’applique plus précisément à la compréhension de la mémoire par Patrice dans le point 7 ou 8. J’ai conservé cette partie du texte puisque même si nous savons que la mémoire ne fonctionne pas de cette façon, les mots de l’auteur nous permettent de rêver à des nouvelles possibilités… Et le rêve est une partie essentielle de l’expérience en bain flottant. Ceci dit, profitez bien de cette synthèse intéressante qui explique bien la raison pour laquelle vous devriez flotter plus souvent.

Thibault Du Chéné**

* Les titres ont été ajoutés par l’équipe de Relaxons.

** Cet article a déjà été présenté dans des capsules rédigés par Thibault Du Chéné, b.a. psy et b.a. philo.

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Venons-en aux recherches actuelles. On dispose aujourd’hui de suffisamment de données pour qu’un début de théorie soit possible, articulée en neuf points.

Bienfaits de l’apesanteur

Paradoxalement, donc, le premier élément d’explication de l’effet « caisson » n’a pas rapport avec les « inputs » sensoriels, mais avec la gravité. Pas besoin d’être cosmonaute pour bénéficier des bienfaits de l’apesanteur. Vingt-cinq centimètres d’eau salée suffisent. Rappelons que 90% de l’activité de notre système nerveux central vise uniquement à nous maintenir debout, à lutter contre la gravité. 90%, c’est fou. Il faut pour ça calculer, seconde après seconde, comment équilibrer les milliers de gestes et les millions de sous gestes que nous faisons sans même nous en rendre compte. Certains médecins prétendent d’ailleurs que la gravité est la source principale de nos douleurs et nos maladies, depuis le mal au dos jusqu’à l’incapacité des cellules vieillissantes, à se reproduire. Mais sitôt que tu flottes dans un caisson, terminé. C’est beaucoup plus fort que le plus relaxant des Dunlopillo : tu ne pèses plus rien! Pour la première fois de ta vie, la plupart de tes muscles font relâche. Ce qui signifie que l’essentiel des 90% d’énergie normalement consacrés à la lutte anti-gravité se retrouvent à ta disposition. Il se passe alors une foule de choses.

Bienfaits des ondes thêta

D’abord, le cerveau se met spontanément en ondes bêta. Allonge-toi, détends- toi, tu passes à un rythme plus lent, en ondes alpha. Si tu te mets carrément à méditer, le rythme change encore, et tu passes en téta. Mais un individu moyen entraîné qui passe en onde thêta s’endort tout de suite. Il faut être par exemple un moine bien exercé pour pouvoir demeurer en ondes thêta sans s’endormir – les docteurs Aakira Kasamtsu et Tomio Hira l’ont démontré en collant des électrodes sur les crânes de vieux maîtres de la méditation. Et voilà que le caisson nous permet d’atteindre le même état en cinq minutes! Je ne dis pas que l’on puisse acquérir la sagesse des vieux moines en cinq minutes, mais simplement qu’une des grandes épreuves que ces moines ont dû surmonter depuis des siècles, à savoir se mettre en ondes thêta tout en demeurant éveillés, devient brusquement accessible : il suffit de flotter. Pourquoi l’onde thêta est-elle si intéressante? Parce qu’elle fait accéder aux images les plus fortes de l’esprit, celles qui nourrissent les grands savants, les grands artistes, les grands visionnaires, c’est en se branchant sur cette fréquence que certains individus, oubliant littéralement leur corps, décollent pour des explorations fantastiques dans leur océan Intérieur…

Bienfaits de rééquilibrer les hémisphères cérébraux

Après la mise en quasi-apesanteur, et le branchement sur la fréquence thêta, le troisième phénomène caractéristique du caisson est le rééquilibrage des deux hémisphères cérébraux. On sait que le néocortex gauche, analytique, rationnel et verbal, domine toute la vie sociale et intellectuelle des sociétés occidentales, au détriment du néocortex droit, globalisant, intuitif, et imaginatif (il fonctionne par images, pas par mots). Voilà bien quinze ans que des tas de techniques sont testées ici et là pour essayer de remédier à la dangereuse dictature du cerveau gauche. Dans le caisson, cette remise au pas semble automatique. Ce fût même l’un des points forts de la première conférence internationale du REST et de l’autorégulation, tenue à Denver en mars 1983. REST? Restricted Environmental Stimulation Therapy, la nouvelle expression pour « isolation sensorielle ». Restricted Environmental Stimulation Therapy

Bienfaits d’un cerveau reptilien qui jeûne!

Le phénomène suivant est très lié au précédent : dans la mesure où le cerveau gauche ne tyrannise plus le droit, en l’obligeant à traduire ses visions avec des mots, un autre rééquilibrage se produit, beaucoup plus profond, entre le cerveau reptilien (siège des pulsions), le cerveau mammifère archaïque (siège des émotions) et le néocortex (siège de la conscience). On sait que, pour des raisons qui restent à déterminer, les passerelles entre nos trois cerveaux ont été malmenées au cours de l’évolution, les contraignant à fonctionner. Presque indépendamment les uns des autres, ce qui est souvent tragique. Imagine que tu as dans la caboche un crocodile, un cheval, et un lutin, mais qu’ils ne peuvent jamais s’entendre entre eux, en particulier parce que le lutin établit des lois morales incompréhensibles pour le crocodile et le cheval – dont il exige par d’ailleurs qu’ils sachent aussi, s’exprimer avec des mots, ce qui est évidemment impossible et cruel. Résultat : Nous sommes tous schizoïdes. Rares sont les moments ou le crocodile, le cheval et le lutin galopent d’un même mouvement, sans se poser de questions.

Les grands  sportifs connaissent ça, ou les grands mystiques ou les grands artistes, et l’on parle alors d’extase. Eh bien, le caisson peut nous aider a connaître ces états de pointe. Comment? Siège des pulsions, le cerveau reptilien gouverne l’attention. Il filtre donc à sa guise toutes les informations (intérieures ou extérieures) qui se dirigent vers la conscience, autrement nous deviendrons fous en trente secondes. Lorsqu’un individu flotte dans un caisson, il ne reçoit presque plus d’informations de l’extérieur. Le cerveau reptilien modifie aussitôt sa politique de filtrage de l’attention, et laisse passer vers la conscience beaucoup d’informations intérieures, jusqu’à la censure. Résultat: nous prenons conscience d’un tas de processus intérieurs tels que la respiration, les battements du cœur, la circulation dans les artères, etc.

Avec un peu d’entraînement, la moindre  palpitation ou sécrétion deviennent perceptibles. Autrement dit, le lutin daigne s’intéresser aux impératives du crocodile. Aussitôt, le cerveau intermédiaire, alias le cheval, siège des émotions en profite pour déclencher une opération de pacification générale. Et ici entre en jeu celui qui est sans doute le magicien de toute cette histoire, l’alchimiste génial : l’hypothalamus. Pourquoi l’alchimiste? Parce que c’est lui qui transforme une grande partie nos états d’âme en neurotransmetteurs ou en hormones, bref en substances chimiques. Le caisson ayant pour effet de réconcilier momentanément le néocortex et le cerveau reptilien, l’hypothalamus inhibe la sécrétion de toutes les substances stressantes, comme l’adrénaline ou la norépinephrine. Au contraire, il favorise la diffusion de substances euphorisantes ou anesthésiantes comme les endorphines. Les conditions chimiques de l’extase sont réunies.

Résumons maintenant les cinq points restants.

Homéostasie

N’étant plus soumis à l’incessant bombardement des sensations extérieures l’organisme parvient enfin à se maintenir en homéostasie – c’est-à-dire en équilibre biochimique global – de façon stable. Chose rarissime. Ce qui le met dans un état d’enthousiasme immense.

Souvenir fœtal

Mais cette situation lui rappelle quelque chose de très profondément enfoui dans sa mémoire : quand donc a-t-il ainsi flotté dans un liquide chaud, en pleine obscurité, avec une bonne dose d’endorphines dans le sang? Dans le ventre de sa mère pardi! Plus ou moins consciemment, ce souvenir accentue son bien-être.

« Altered States »

À moins qu’il ne s’agisse d’un souvenir beaucoup plus ancien. Selon le biologiste Alistair Hardy et l’anthropologue Elaine Morgan, nos ancêtres ont été a une époque, des singes aquatiques. (c’est pourquoi nous serions  imberbes). Le caisson nous ferait remonter jusque-là. Ken Russel a dû penser à cette hypothèse en tournant son film « Altered States » (Au-delà du réel en V.F.) : Le héros était en fait John Lilly, mais un John Lilly à la Edgar Poe! Quand il ressort de son caisson, il est transformé en homme singe féroce, obsédé par l’idée de bouffer des gazelles crues. « Altered States » se démarquait beaucoup de la réalité du caisson; il a néanmoins fortement contribué à le faire connaître dans le monde entier.

De l‘inconscience à la conscience réelle

Revenons sur le quatrième point : dans le caisson, un grand nombre d’informations internes à l’organisme, qui passent habituellement inaperçues, montent jusqu’à la conscience. Du coup, l’individu a la possibilité d’exercer une influence volontariste sur des processus en principe à 100% inconscients. Si cette influence pouvait s’organiser, c’est toute la médecine qui serait touchée : peut-on intervenir par la volonté sur tel ou tel organe malade et le guérir, sur tel ou tel muscle pour le faire grossir – l’hypothalamus jouant le rôle de traducteur psycho-chimique qu’on a vu? Il y a presqu’un siècle, un certain docteur Coué ne disait pas autre chose. On s’est beaucoup moqué de lui. Avec l’avènement de ce que certains appellent la psycho-neuro-immunologie, l’heure de sa revanche a peut-être sonné.

Visualisation intérieure

Enfin, si le caisson permet tant de jeux de l’esprit et du corps, c’est en grande partie parce qu’il favorise la visualisation intérieure. Quand tu flottes, tes images mentales deviennent vite aussi claires et aussi nettes que si tu avais un poste de télé dans la tête. Or rien n’est plus important, pour mener à bien une action, que de savoir en visualiser le déroulement et le résultat à l’avance. C’est pourquoi certaines équipes sportives américaines, de baseball notamment, se sont mises au caisson: avant le match, chaque joueur doit s’exercer à visualiser la victoire. Il lui faut parvenir à se voir marquant le point. Mieux: à se voir ensuite acclamé par la foule, recevant la coupe du vainqueur etc. On a montré que les équipes dont les joueurs savaient visualiser de telles images à l’avance avaient nettement plus de chance de gagner. Mais n’est-ce pas exactement ce que le tireur à l’arc Zen cherche à faire depuis des siècles? Lui qui, à la fin de son apprentissage, ne regarde même plus la cible, mais se concentre les yeux fermés, sur son image. C’est là-dessus que travaillaient les chercheurs de l’université de Stanford. Ils compliquaient encore le jeu, en collant un écran vidéo à l’intérieur du caisson. Pour aider le flotteur à se voir lui-même en train de marquer un but (ou de faire un speech en public, ou d’emballer une nana, ou ce qu’il voulait), en lui montrant d’abord un film sur l’action à visualiser.

Le caisson est un vaisseau pour l’espace intérieur. On peut lui adjoindre sans dommage toutes sortes de gadgets. Le plus simple est évidemment la sono. Mais le caisson lui-même n’est pas, je crois, un gadget. Je voudrais citer à ce propos pour finir, la vision du journaliste américain Michael Hutchison sur l’avenir du caisson: « On nous dit que nous sommes passés de l’âge industriel à l’âge de l’information. Aujourd’hui, l’information est une ressource stratégique et une véritable source de pouvoir. Au point que certains demandent que l’on remplace la vieille théorie de la valeur-travail par une théorie de la valeur-connaissance. Et c’est révolutionnaire parce que l’information est la première forme de propriété qui soit non-matérielle et potentiellement infinie. »  « La condition sine qua non de l’information a été l’ordinateur. Mais si l’ordinateur est un instrument idéal pour produire, manipuler et communiquer de l’information sur la réalité sociale et transformer nos manières d’apprendre et de nous distraire, s’il nous donne accès à des informations jusque-là inaccessibles, ses pouvoirs s’arrêtent dès qu’il s’agit de nous renseigner sur nos états intérieurs, sur la conscience, l’esprit, l’âme. Le caisson, en revanche, nous offrir un accès direct et un contrôle sur chaque cellule de notre corps, et sur une gamme étendue d’états de conscience. Ce qu’il peut nous donner, c’est de l’information sur nous-mêmes. Le caisson est donc, à plus d’un titre, la contrepartie interne de l’ordinateur, transformant lui aussi notre manière d’apprendre et de nous distraire, et nous donnant accès à des informations jusque-là inaccessibles. Et si l’on ré-réfère à une éventuelle théorie de la valeur-connaissance, et bien, le caisson, en augmentant notre information sur nous-mêmes, est un outil réellement productif économiquement, physiquement, et même spirituellement.” (The Book of Floating).

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